Cette période des fêtes est souvent propice à sortir les « grandes » bouteilles. Pas sûr néanmoins que vous aurez la chance de déguster celles dont je vais vous parler à présent …les 50 bouteilles les plus chères au monde ! Des icônes souvent inaccessibles pour le consommateur français. Mais oublions l’argent un instant, et rêvons !
Régulièrement, je pose la question à mes auditeurs : A votre avis, parmi les 50 vins les plus chers, combien sont bordelais ? Les réponses se concentrent souvent autour d’une trentaine. Erreur ! Ils ne sont que 2.
On a pourtant l’impression de ne voir qu’eux,
les Petrus, Les Lafite, Les Haut-Brion et Ausone.
Ils sont même la base de l’indice Live-Ex Wine Fund, la seule cote au monde, regroupant les vins les plus prestigieux. En fait le Live-Ex se décline en plusieurs cotes, mais Bordeaux y pèse pour plus de 75%. Evidemment les grands châteaux bordelais sont réputés, mais ils représentent surtout des volumes conséquents. Et pour qu’un indice vive, il faut l’alimenter avec des vins qui se négocient régulièrement.
Tout le contraire de la Bourgogne. Quand Château Margaux s’étale sur 92 hectares, le plus large des Grands Crus en Monopole, le Clos de Tart à Morey-Saint-Denis, s’étire sur… 7.53 hectares. Passé sous pavillon d’Artemis, société de François Pinault, pour 280 millions d’euros en 2017, il préfigure le mouvement en cours, hautement spéculatif, sur les plus grands climats bourguignons. François Pinault avait déjà défrayé la chronique, en posant un million d’euros sur la table en 2012, pour acquérir une ouvrée de Montrachet (1/24 d’hectare), le Grand Cru blanc de la Côte de Beaune. Un million d’euros pour 150 bouteilles par an, imaginez le terme de l’investissement !
Dès lors, vous comprendrez bien comment la Bourgogne rassemble 35 des cinquante vins les plus chers au monde. Et à ne considérer que le top ten, huit sont bourguignons.
La principale raison de l’emphase tarifaire des vins de Bourgogne est leur vraie rareté. La plupart des 1ers crus classés bordelais sont proposés à des tarifs élevés, mais on les trouve ! En revanche, les amateurs de Bourgogne sont bien conscients qu’il est presque impossible
de « mettre la main » sur des Dujac, Rousseau , Méo-Camuzet ou Coche-Dury.
Quand un Musigny Grand Cru de Christophe Roumier se négocie à 6000 euros la bouteille, Il ne rémunère que modérément le domaine, qui n’en produit que sur 1 hectare et qui ne profite pas de la spéculation sur les tarifs.
Il résulte de l’étroitesse et de l’impossibilité d’étendre les appellations bourguignonnes, une rareté et donc une spéculation sur les vins.
Comme un phénomène qui s’auto-alimenterait, la rareté des vins de Bourgogne construit son mythe, qui contribue à une « poussée de fièvre » sur les prix. Notamment par une demande mondiale, essentiellement asiatique et nord-américaine, pourtant initialement peu enclin à la belle acidité des pinots noirs bourguignons.
Les troubles météorologiques qui affectent la Bourgogne année après année, ne vont rien arranger. Dès 2022 la perte estimée de 45% de production de vins blancs, et ce dans un contexte de forte demande pour des vins blancs secs, va peser lourdement sur les cours des vins blancs bourguignons.
Ce sont pourtant et surtout les grands vins rouges de la Côte de Nuits, qui trustent le hit-parade, avec 5 pinots noirs dans le top 10.
Les vins du Domaine de la Romanée-Conti, dont naturellement le célèbre Grand Cru du même nom, occupe sans conteste la première place. Le domaine place 2 vins dans le haut du classement avec son Montrachet. Il partage désormais le haut de l’affiche, avec 3 vins de l’immense vinificatrice Lalou Bize-Leroy, au domaine Leroy et d’Auvenay.
Et que devient Bordeaux dans ce classement ? De facto, de moins en moins présent. En moins de 8 ans, Bordeaux qui imposaient 5 références n’en détient plus que deux ! Avec Petrus à la 22ème place et Le Pin (Pomerol) à la 25ème.
Bordeaux profite néanmoins d’une meilleure manne financière. En effet, quand la plupart des revenus issus des grandes bouteilles bourguignonnes nourrissent les spéculateurs, et pas les propriétaires, les châteaux bordelais engrangent l’essentiel de la valeur de leurs bouteilles.
Deux vins de Champagne viennent compléter le tableau français : la cuvée P3 de Dom Pérignon, un Champagne vieilli entre 25 et 40 ans, et encore mieux placé (24ème) le Champagne à très haute concentration, de la jeune Maison Boerl et Kroff. En seulement quelques années, Patrick Sabaté et Stéphane Sésé (avec l’aide, ce n’est pas une surprise, de Michel Drappier) auront réussi à créer une nouvelle icone en Champagne.
Le mouvement le plus important dans l’évolution de ce classement, est la part prise par les grands liquoreux allemands. Seul le Trockenbeerenauslese du lieu-dit Sharzhof de chez Egon Müller se plaçait il y a 10 ans parmi l’élite. Depuis, la demande mondiale pour ces grands vins de Riesling, à l’équilibre acidité/liqueur « à vous défriser la moustache », produits encore en micro-quantité (750 bouteilles par an dans le cas d’Egon Müller) s’est envolée. Neuf grands liquoreux allemands s’invitent désormais au classement.
Mis à part un vin rouge californien, le Screaming Eagle (18ème place), l’autre place de choix revient au Portugal. Trois « Port Vintage», vins d’un seul millésime, vieillis longuement et quintessence du savoir-faire ancestral lusitanien, intègrent la liste prestigieuse.
Le « Nouveau Monde », avec un seul représentant, devra encore « faire ses preuves ». En fait ce classement démontre que les acquéreurs sont inexorablement attirés par des vins « d’équilibre », non reproductibles ailleurs (Pinot noir de la Côte de Nuits, Riesling de la Moselle allemande,…) et en quantité restreinte.
On percevait déjà ce mouvement à travers certains vins du Jura pour lesquels la demande (et les tarifs aussi) a littéralement explosé ces dernières années. Encore une fois, des vins d’artisans, travaillés proprement. Small is beautiful !
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