Il est de tous les instants, symbolisant la joie, la réussite, l’amour, mais aussi la France à l’étranger. On peut encore se demander comment une terre si peu propice au départ à produire un vin aussi célèbre, a finalement délivré une telle manne. Condamné à chaque crise face au Prosecco vénitien et au Cava espagnol, le Champagne en ressort au contraire toujours encore plus fort.
Quels sont donc les ressorts et l’imaginaire sur lequel le succès du Champagne repose ?
Le champagne c’est la vie même ! Il rend optimiste, il donne confiance en soi. L’auteur Richard Sheridan écrivait : « Quand il m’arrive de jouer aux dés après une bouteille de champagne, je suis sûr de ne jamais perdre... du moins, je ne sens pas mes pertes, ce qui revient exactement au même ».
C’est aussi avec le champagne que l’on célèbre l’heureuse issue d’une entreprise ou d’un match de football, ou même la conquête du pouvoir.
En 1980, la presse internationale rapportait que Mme Vigdis Finnbogondottir, présidente de la République d’Islande, avait déclaré qu’elle n’avait accepté de présenter sa candidature à cette haute fonction qu’après avoir passé une partie de la nuit à boire du champagne.
On boit le champagne…… même entre cambrioleurs, arrêtés en février 1981 grâce aux empreintes laissées sur une bouteille de Mumm Cordon Rouge, qu’ils avaient consommée et abandonnée au milieu des coffres-forts du sous-sol de la Société Générale de Bruxelles.
Et, tout ce bonheur, …. grâce à un heureux hasard. En 496, Clovis, roi des Francs, est baptisé chrétien à Reims, berceau du champagne. Dès lors, la tradition voulut que les rois français se fassent couronner dans la ville. Cette tradition marque l'origine du champagne comme boisson de fête, dégustée principalement par une minorité de privilégiés.
Pierre-Emmanuel Taittinger précise « dès le XVIIIe siècle, les premiers grands négociants de champagne ont sillonné la planète et ont séduit avec leurs vins des clients qui étaient des « people » comme on dirait aujourd’hui : le roi de Prusse, le tsar de Russie, le prince royal de Suède et de Norvège, les cours royales du Siam et de Chine, la haute société américaine, et plus tard Churchill…. Et puis le champagne a beaucoup inspiré les artistes, les peintres, les photographes, les écrivains, les musiciens, le cinéma. Il a acquis une notoriété internationale en renvoyant une certaine image de la France, de son art de vivre et d’un luxe accessible ».
L’image du champagne fut, à toute époque, parfaitement modelée. Par Louis XV d’abord, qui autorisa le transport, uniquement pour le champagne, dans des bouteilles en verre au lieu de fûts en bois. Imaginez les nouvelles possibilités promotionnelles qu’offraient dès lors une bouteille et une étiquette à contrario d’un fut en bois. On commença à associer Champagne avec de nombreuses personnalités : les artistes à la mode, les héros de l’histoire, et même la nation française toute entière. En effet, lorsque l’on commença à préférer couper la tête aux rois français plutôt que les admirer, le champagne se transforma de vin royal à vin de la Nation. Désormais, par un tour de passe-passe surprenant, le champagne ne représentait plus seulement l’élite, mais devenait un symbole de la France toute entière (Site Royal Opera).
Dès le début des années 1900, le champagne va être utilisé par les publicitaires pour exprimer la modernité. Durant la Belle Époque, le champagne va être associé à la mise en scène des merveilles modernes auxquelles aspiraient les classes moyennes en expansion, voitures, montgolfières, bateaux à vapeur, avions…
Le champagne fit l'objet du tout premier film publicitaire au monde.
Plus récemment, c'est avec James Bond, Audrey Hepburn ou, plus récemment, Beyoncé que nous adhérons aux mythes et à l'histoire entourant le champagne.
Que l’idée soit vraie ou pas d’une Marylin Monroe exigeant de prendre un bain dans une baignoire remplie de Champagne, ou d’une Mariah Carrey s’affichant régulièrement une flûte à la main de son propre Champagne « Angel » (plus de 300 euros la bouteille pour le sertissage aux pierres Swarovski), tout concourt, comme par magie, à renforcer l’image d’un produit exceptionnel mais accessible à tous.
Mais peut-on évoquer Champagne sans parler de Dom Pérignon, à qui l’on attribue volontiers la création du Champagne ?
La vérité est pour le moins un peu plus compliquée et il serait plus juste d’affirmer que personne n’est vraiment détenteur de la création du Champagne et que pour le moins, les Anglais y ont largement participé.
Les vins que l’on fait délibérément mousser apparaissent en Champagne dans les toutes dernières années du XVIIe siècle. Mais les vins de Champagne, paradoxe des paradoxes, font depuis longtemps sauter leurs bouchons... en Angleterre, où ils sont importés en tonneaux et mis en bouteilles sur place !
Patrick Forbes cite un rapport de 1662, dans lequel il est fait mention que l’addition de sucre et mélasses à toutes sortes de vins est alors chose courante, dans le but de les rendre effervescents et plus alcoolisés. Encore faut-il que l’on ait des bouteilles et bouchons d’une résistance suffisante pour tenir compte de l’augmentation de pression qui ne peut manquer d’en résulter. Mais les Anglais, qui ont déjà les bouchons de liège, disposent dès 1660 de bouteilles épaisses, d’une solidité que les verriers du continent mettront longtemps à égaler.
Dom Pérignon aura surtout contribué à l’identification des meilleurs terroirs champenois et à l’assemblage des raisins pour produire un vin de meilleure qualité.
André Simon, fondateur de la Wine & Food Society, écrit : La réputation mondiale dont jouit aujourd’hui Dom Pérignon n’est pas due au fait qu’il ait produit un bon vin mais à la fiction qu’il a mis des bulles dans le champagne. Il ne fit rien de cela.
Peu importe en fait, la participation de Dom Pérignon, n’est qu’un nouvel avatar des différents éléments qui ont construit le mythe de Champagne.
Et le Champagne parce qu’il symbolise à lui seul, le bonheur et la réussite, ainsi que le raffinement et l’élégance de sa patrie d’origine, n’est pas prêt de s’arrêter de couler.
Bonnes fêtes à vous !
et à bientôt dans l'un de nos ateliers de dégustation
Pour la rédaction de cet article, je me suis en partie inspiré de l’article : Champagne : les quatre "mythes" fondateurs d’une icône mondiale, publié par Joonas Rokka, professeur associé en Marketing à l’EM-Lyon (21/12/2016) ainsi que l’extraordinaire manne culturelle que constitue « le livre d’or du Champagne » par Francois Bonnal publié en 1984.