Peut-être aurez-vous le rôle de composer le plateau de fromages au prochain repas ? Vous pourrez puiser parmi le panel le plus large au monde, 387 fromages ! Mais avec une telle variété de fromages, trouver le bon accord peut parfois devenir un véritable casse-tête. A chaque fois les mêmes questions reviennent : Quels fromages sélectionner ? Quel vin ? Quelle couleur ? Je vous propose un premier petit guide, pour améliorer cet accord si emblématique de la France, que le monde entier nous envie et pourtant si souvent sacrifié par les français.
Commençons par asseoir une certitude. Il est totalement inutile d’aller sur internet pour chercher une information fiable sur le vin pour accompagner tel ou tel fromage. Vous trouverez pour réponse absolument tout et son contraire. Faites plutôt confiance à votre bon sens !
Tout d’abord réservez vos vins les plus « costauds » aux fromages les plus puissants, et vice-versa. Mettre un époisses sur un Gevrey-Chambertin, c’est tuer votre vin à coup sûr.
Aujourd’hui sacrée contradiction de plébisciter des vins plus généreux, plus amples en bouche, tout en achetant majoritairement des fromages pasteurisés, donc moins « goûtus », au supermarché du coin. Un véritable écueil car
la grande majorité de ces fromages pasteurisés réclament des vins légers et fruités.
Mon conseil : oubliez l’idée de vouloir absolument composer un plateau. Cinq ou six fromages à table, de familles différentes, revient à sélectionner autant de vins différents pour réussir vos accords ! Il y a longtemps que j’y ai personnellement renoncé ! Je sélectionne plutôt un fromage en fonction de « la » bouteille que je souhaite servir à mes invités. Naturellement pour ne pas me voir étiqueter de « pingre » j’achète ce fromage en grosse quantité, de sorte à ce que tout le monde comprenne parfaitement que mon unique désir, est de proposer l’accord parfait. Pour satisfaire le plus grand nombre, j’aime compléter cet accord du jour avec
un Saint-Nectaire, fromage qui se marie avec le plus grand nombre de vins différents.
En fait j’essaye idéalement de construire un « trIptyque-gagnant », entre mon vin, mon fromage et mon dessert. Lorsque j’ai envie d’un dessert au chocolat, je choisis quelques fromages persillés car je sais que mon Jurançon moelleux ou mon Banyuls Grand Cru, vin muté, s’accorderont à merveille avec les deux mets.
En été, une tarte aux fruits rouges m’oriente volontiers vers un Brillat-Savarin, avec en face, un bel effervescent rosé, comme une fine bulle de Loire, un Saumur ou un Vouvray. La sensation grasse de mon fromage triple crème, appréciera le dynamisme conféré par les bulles de mon vin, et ce fromage à l’aromatique discrète se complexifiera lui, grâce aux notes de fruits rouges du vin. L’alliance entre les notes fruitées du dessert et du vin devient une évidence.
Cette pratique assez simple vous évitera surtout d’aller directement au purgatoire des accords mets-vins. L’idée même de finir les bouteilles déjà entamées avec le fromage, c’est la garantie de l’échec annoncé.
C’est pourtant ce que je vois souvent faire ! Alors que la France est « le » pays du fromage, revendiquant un peu trop facilement son sens aigu des accords.
En vous limitant à un ou deux fromages, un seul nouveau vin suffit, qui accompagnera avec chance aussi votre dessert, autre accord souvent sacrifié.
Je vais vous y aider. Oubliez aussi la bouteille de vin rouge servi sur votre viande. Il est désormais établi que
le vin blanc fait un bien meilleur accord préalablement sur la plupart des fromages.
Deux raisons basiques l’expliquent. Le fromage est un produit gras. Pour contrebalancer un tel gras, l’idéal est d’opter pour un vin avec une teneur en acidité plus élevée, donc clairement un vin blanc.
L’acidité du vin va « brûler » une partie du gras du fromage
pour un meilleur équilibre en bouche. En outre
le gras du fromage servira de support aux arômes du vin,
qui gagnera en longueur en bouche. Bingo !
Par ailleurs, il est établi que les tanins, qui s’expriment surtout à travers les vins rouges, s’accordent très mal avec les produits laitiers. Un exemple évident avec le camembert, notre fromage national, qui marié à un vin rouge, délivre en bouche une note métallique peu désirable, à la fois liée à la contradiction tanins/lait, et à la fois par la croute du camembert qui apporte un goût ammoniaqué destructeur pour le vin.
Faites le test. Prenez un fromage assez neutre comme un Coulommiers. Associez le d’abord à un vin blanc. Vous verrez que le vin laisse libre cours à l’expression du fromage. Le même accord avec un vin rouge, d’autant plus s’il a un peu de charpente tannique, écrasera totalement les arômes du fromage. A moins que votre but ne soit de graisser les tanins de votre vin rouge, quel intérêt dans cet accord ?
En conscience ou pas, nous buvons la plupart du temps un vin rouge pour nous débarrasser du goût du fromage. Or utiliser le vin comme détergent n’est pas la plus noble des approches !
Méfiez-vous aussi des accords régionaux,
ils ne fonctionnent pas toujours. Un bel accord sera fait entre un Gewurztraminer Vendanges Tardives et un Munster, ou encore entre un vin jaune jurassien et un Comté longuement affiné, mais la catastrophe est assurée entre un Cabécou et un Cahors !
Il est de toute façon assez clair que
les fromages de chèvre s’accordent particulièrement mal avec les vins rouges.
On se régale tellement mieux avec une appellation dédiée au cépage Sauvignon, comme un Entre-Deux-Mers ou un Sancerre.
Vous l’aurez compris, il est grand temps de bousculer nos habitudes ! Mon cadeau sera de vous faire constater que vin blanc et fromage se magnifient l’un l’autre. De même que repenser votre service du fromage fera dire à vos invités que vous êtes juste génial. Quant à l’adage qui voudrait que le vin blanc ne passe pas après un vin rouge, ce serait comme penser encore aujourd’hui que la terre est plate ! Allez, la prochaine fois, je vous ferai cadeau de mes accords vins-fromages (et desserts) préférés. On y parlera notamment des accords du vin avec la raclette !
