Le début de l’Automne est une période faste pour tous les amateurs de champignons. Les girolles, les chanterelles, les cèpes, tous ces champignons aux arômes très divers abondent sur les étals. Pour bâtir un bel accord à table, nous nous intéressons plutôt à leurs textures et leurs saveurs. Voici quelques expériences vécues et partagées au sein de mes clubs de dégustation. Un avertissement néanmoins, patientez pour lire cette chronique si vous êtes en état de faim, sa lecture pouvant s’avérer dévorante pour votre estomac !
« Les champignons forment la classe la plus vaste du règne végétal. Ils se montrent partout. Parasites par excellence, ils vivent sous la terre ou croissent à l'air libre. Ceux qui se montrent à la surface du sol sont les plus nombreux et se développent sur des corps organisés dont ils activent la décomposition. Dépourvus de feuilles, de fleurs, ils sont uniquement formés de cellules » (extrait du site : Les babirandonneurs).
À l'origine du nom et dans le langage le plus courant, les champignons sont ces « petits produits des campagnes » (du bas latin campinolius).
Longtemps le champignon sera considéré comme un symbole diabolique proche du poison, et sa culture l’apanage d’une certaine noblesse.
Aujourd’hui à l’exception de certains champignons sauvages, coûteux, la plupart sont accessibles à toutes les classes sociales.
A l’image du champignon de Paris, devenu le champignon le plus consommé à travers le monde, peu cher et présent sur toutes les tables, existant depuis l’antiquité égyptienne mais qui prendra un réel essor à partir du 19ème siècle.
Qu’elles soient sauvages ou cultivées, les espèces de champignons ont la particularité d’offrir une palette de saveurs très diverses, comparées à d’autres légumes.
Leurs goûts sont souvent particuliers, prononcés, terreux, végétal, mais leurs textures sont particulièrement intéressantes. Le chapeau ou le pied demeure craquant, croquant, craquelant, croustillant, selon son espèce, et surtout selon la cuisson adoptée.
Voici donc quatre expériences d'accords vins et champignons vécues :
Commençons avec un accord autour du Sparassis crépu, appelé aussi morille blanche, cuisiné à la crème, avec quelques Saint-Jacques poêlées et jus de veau. La crème m’oriente directement vers un vin blanc. Il se doit d’être singulier pour se défendre face au champignon, mais pas trop puissant non plus pour ne pas écraser la chair fine de la Saint-Jacques. Je pense aussi au goût noiseté de ce champignon amusant, ressemblant à un petit chou-fleur, et fonce à la cave chercher une bouteille d’un vin répondant au nom de « Dernière Cueillette ».
Ce vin est un pur Chardonnay dont les raisins ont été récoltés à deux périodes. Une première vendange précoce, comme lorsqu’on récolte pour produire des effervescents, requérant un niveau d’acidité élevé. Puis une deuxième récolte assez tardive (d’où le nom de « Dernière cueillette ») donnant des raisins nettement plus opulents.
Les Chardonnay sont ensuite élevés, fait totalement atypique, dans des barriques stockées dehors, au soleil !
Le vin prend naturellement des notes légères de « rancio », évoquant le fruit sec puis des notes automnales qui font merveilles avec le plat.
J’aime beaucoup ce vin atypique, produit au domaine de l’Arjolle du côté de Pézenas dans l’Hérault. Il convient aussi sur un comté jeune ou sur des pâtes à la truffe blanche.
Je continue justement avec un plat de lasagnes à la courge et aux girolles, dans une sauce au vin jaune.
L’incorporation de ce « vin de voile » jurassien (contrairement à l’usage, on a laissé entrer volontairement l’air dans le fût, conférant au vin des notes notamment de noix vertes et une oxydation volontairement prématurée) m’oblige à un accord avec un même type de vin.
Le sucrant de la courge m’oriente vers un vin produit au domaine René Rieux, du côté de Gaillac dans le sud-ouest.
Cette cuvée répondant au joli nom d’« Hyperbole » est un pur Mauzac élaboré « sous voile » (l’oxygène de l’air crée un voile de levures au-dessus du liquide dans la barrique) et en solera, où on remplace la partie du vin évaporé dans la barrique, par du vin de la dernière vendange, processus se répétant plusieurs années et conférant au vin une grande complexité.
Les sommeliers sont généralement confrontés à une sorte de « soupe à la grimace » lors du service de ce type de vin. Pour autant, là, tout le monde s’accorde pour dire que l’accord fonctionne à merveille. La puissance éthérée du vin répond à la sauce.
Ces vins blancs, gras, sphériques, ont pour eux un grand volume de bouche, avec des saveurs typiques, une fois atteint leur maturité, de noix, noisettes et champignons, qui forcément, opèrent parfaitement avec ce type de plat.
Cependant de beaux accords sont possibles avec des vins rouges, d’autant plus si vous possédez en cave quelques vieux millésimes. Des vins qui avec le temps, ont pris un bouquet terreux, de sous-bois et de truffe.
Plusieurs appellations offrent ce type d’arômes. Je pense à certains Pomerol, Cahors, Grignan les Adhémar et même certaines Syrah.
J’ai notamment quelques bouteilles d’un certain âge, d’une cuvée parcellaire répondant au nom de « Olivaie » du copain Jérôme Coursodon et je tente l’aventure sur le plat suivant.
S’avance sur la table un merveilleux plat de cèpes au boudin, lard fumé et jus de gibier. Voyons voir ce que donne ce Saint-Joseph rouge
La Syrah juteuse fonctionne à plein, comme toujours avec le boudin. Quant à l’élevage sous-bois du vin, il répond au goût noiseté du cèpe. Enfin, l’acidité sous-jacente de ce Saint-Joseph, né sur sol granitique, apporte une fraicheur acide qui contrebalance avec le gras du champignon.
Le jus de gibier et le lard fumé conditionnaient l’usage d’un vin rouge.
On ne peut pas finir un repas sans un dessert !
Et on ne peut évoquer le champignon, sans oublier un de ses plus célèbres, la truffe. Voici donc une soupe au chocolat dulcey (Valrhona) à la truffe et à la poire.
Même le chocolat n’offre pas ici son amertume souvent redoutable pour le vin, j’opte pour un vin de liqueur, en l’occurrence un Pineau des Charentes Vieux du domaine Pautier.
La liqueur du vin s’est assagie avec le temps, nous ne sommes pas sous le coup d’un sucre s’ajoutant à un autre sucre. L’alcool présent dans le vin « brûle » même une partie sucrante du dessert et enrobe le chocolat. Les arômes de poire du dessert et du vin font alliances dans un accord qui semble une évidence.
Sauf à être allergique au goût du champignon, la lecture de cet article pourrait vous donner une envie soudaine de vous ruer sur vos casseroles. Faites donc, c’est de saison et bons champignons à vous !
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